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De l’usine Bata à la frontière

samedi 29 novembre 2008, par jcR


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En attendant

J’avais toute la journée pour rejoindre l’usine à l’heure de la sortie des ouvriers. J’ai longé un canal. Je marchais difficilement car, j’avais mal aux pieds. Je me suis arrêté dans un bar pour demander un verre d’eau. Je fus servi, sans commentaire, par le barman. A son regard, je compris qu’il savait que j’étais un évadé. Je ne dis mot et repartis.

Jeux de piste

Je ne savais pas que cette usine avait deux portes mais par bonheur, je me suis rendu à la bonne car à l’heure de la sortie, j’aperçus mon hôte parmi les ouvriers. Voyant que je me rapprochais de lui sans descendre de son vélo me dit :« Va voir le gars à la musette qui sort là-bas. »

Celui-ci m’explique que maintenant il n’y a plus de filières pour passer la frontière, que c’est très difficile car les Allemands sont partout. En me montrant un jeune ouvrier qui plaisante avec des jeunes filles, il me dit : « Va voir le gars aux droyères [1], là-bas. »

Je me dirigeai vers le groupe. Le jeune m’écouta et m’indiqua :« Je peux te guider éventuellement jusqu’à la frontière, car, moi-même, j’y vais. Mais sans plus. Arrivés, à 50 m de la frontière, on ne se connaît plus. »

Le jeune homme, des ouvriers, des ouvrières et moi-même sommes montés dans un petit train qui ramène les ouvriers après leur journée de travail. A la descente du train, le jeune homme me dit : « Vous avez de la chance, il n’y a personne au contrôle extérieur. » [[Il semble que ce petit train menait vers Avricourt. Détails.

Le poste frontière

Les ouvriers et ouvrières devaient passer dans une guérite installée à cheval sur la frontière, pour montrer leurs papiers et laisser-passer. Ils entraient d’un côté par une porte et ressortaient par une autre de l’autre côté du cheval de frise qui barre la route. Je n’ai pas de laisser-passer, je ne peux donc pas passer par la guérite.

Dans un trou de souris

En examinant la situation, je remarquai que le cheval de frise ne joignait pas exactement la guérite. Au même instant, un officier allemand, posté à l’extérieur rentra dans la guérite. Je me mis à marcher rapidement vers ce mini-passage mais, au même moment, il ressortit. Comble de chance, son attention fut attirée par un vélo accoté au mur de la guérite et par le paquet sur le porte-bagages. Intrigué, il se pencha et commença à l’ouvrir. J’en profitai pour me glisser entre la guérite et le cheval de frise, en me faisant le plus silencieux et le plus mince possible.

D’autres sentinelles

Je me suis alors retrouvé nez à nez, avec une sentinelle qui faisait les cent pas de l’autre côté pour se réchauffer. Je lui balbutiai quelques banalités en allemand, du genre : Il fait bien froid aujourd’hui, on serait mieux au chaud chez nous. La sentinelle qui ne m’avait pas vu passer entre le cheval de frise et la guérite pensa que j’étais passé par la guérite et que j’étais en règle. Elle me répondit sans méfiance.

Je ne me suis pas attardé.

Quelques mètres plus loin se trouve une nouvelle sentinelle. Je lui sortis les mêmes banalités. J’ai supposé qu’il avait aussi pensé que j’étais en règle. Aujourd’hui, je ne regrette pas de m’être forcé à apprendre l’allemand.

Encore une frayeur

Comme lors du contrôle à Réchicourt, un bruit de pas de course se fit entendre derrière moi. Je continuais ma marche sans me retourner lorsque j’entends :« Eh ! bien, vous alors, vous avez du culot et de la chance ! » C’était le jeune aux droyères. La ligne de démarcation franchie, les choses devinrent plus faciles mais les risques de reprise étaient toujours présents.

Une aide précieuse

Le jeune homme m’emmena chez lui et chez sa mère qui allait m’aider. Elle me conduit à Lunéville, chez une vraie résistante.

Notes

[1] Droyère dans le parler de la Vienne désigne une jeune fille et n’a pas le sens péjoratif de drôlesse.


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